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Solex

Emblématique des années 50 à 80 (environ), Solex était à ce point célèbre que c’est comme le Frigidaire, il est devenu un nom ; quand on dit Solex, on sait tout de suite de quoi on parle, enfin surtout quand on est né avant les années 80. Le Solex, c’était un mélange de vélo et d’un truc indéfinissable. Il était doté d’un moteur 2 temps et ne dépassait pas les 30 km/h.

Quand mémé envoyait pépé faire des courses, pépé prenait son Solex. Dans mon souvenir d’enfant, il n’allait d’ailleurs acheter que deux choses : du metton pour faire la cancoillotte ou bien un Jésu, qui est aux amoureux de la charcuterie ce qu’est Jésus à la religion, d’où son nom. Mais avant qu’il ne revienne avec les précieuses victuailles, c’était l’aventure.

Une fois l’engin sorti de la cave, il fallait le poser sur sa béquille, le temps de grimper dessus. La selle était très large, tout à fait adaptée au séant d’un adulte. Quant à moi, si j’essayais de m’y asseoir, je me retrouvais à faire le grand écart latéral, ce qui m’aurait été fort utile si j’avais voulu embrasser une carrière de danseuse étoile ou de Jean-Claude Van Damme, mais ce n’était pas le cas.

Le suspens était intense : pépé allait-il réussir à faire démarrer le Solex? Le premier coup de pédale, c’était pour s’échauffer. Pépé prenait position, regardait droit devant. Instant figé, on lisait la détermination dans son regard, même les oiseaux n’osaient plus pépier, moment de grâce qui ne laissait pas la place au doute, il allait y arriver ! Et puis d’un seul coup, les jambes imprimaient au pédalier un mouvement de plus en plus rapide, les genoux montaient et descendaient à toute vitesse en cadence, pépé se levait tout droit sur le Solex pour forcer l’engin, engageant un corps à corps terrible avec la machine jusqu’à ce que le moteur cède et exhale dans un toussotement une fumée bleue avant de se mettre à trembler, soumis.

Pépé avait gagné, il avait dompté le Solex qui avait reconnu en lui le maître. Je le voyais alors partir, triomphant, sa casquette vissée sur son crâne. Pour un peu, on aurait entendu la Chevauchée des Walkyries. Évidemment, le Solex tentait parfois de se rebeller et de se faire poussif lorsqu’il fallait attaquer les côtes, mais pépé, tel un musher pas rancunier, se remettait à pédaler jusqu’à ce que son fidèle destrier parvienne à vaincre la montée.

De temps en temps, pépé nous emmenait faire un tour sur le Solex. Ça ne durait jamais longtemps, le porte-bagages était particulièrement inconfortable et il fallait tenir ses jambes presque à l’horizontale, loin des rayons qui pinçaient les mollets si on les laissait traîner. La malheureuse bête souffrait et haletait, mais on l’encourageait en se balançant d’avant en arrière comme des fous furieux, au risque de déséquilibrer le Solex qui n’était déjà pas un modèle de stabilité.

Les jours de pluie, pépé enfilait sa longue cape noire qui le couvrait intégralement et pour moi, il devenait Batman, penché sur son guidon pour combattre le vent.

On savait toujours quand pépé revenait de ses aventures. C’était d’abord la pétarade du moteur, puis mémé qui lui criait dessus parce qu’il salissait tout en rentrant, tandis que se diffusait dans la maison l’odeur d’essence et d’huile brûlante dont le moteur, rancunier, avait arrosé pépé durant leurs expéditions… Parfum d'enfance !

(N’hésitez pas à suivre l’histoire du Solex depuis ses débuts jusqu’à ce jour, puisque la marque existe encore et fait toujours rêver un grand nombre d'entre nous : https://solex.world/marque).

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